Comment trouver le prénom et le nom de votre personnage ?
À plusieurs reprises, les auteurs m’ont demandé des conseils pour
trouver l’onomastique de leur personnage. Porteurs de sens, le prénom et le nom
suggèrent un certain nombre d’attributs. Ils peuvent refléter l’ensemble des
caractéristiques qui définissent le personnage ou, au contraire, le contredire.
Parfois, le choix d’un nom ou d’un prénom déclenche à eux seuls la création de
tout un univers dans l’esprit du créateur. Mais, souvent, le personnage, de
même que son onomastique, prend forme dans un univers précis et c’est cet
univers qui impose les règles et la cohérence. Voici donc quelques pistes qui
vous amuseront lors de votre prochaine création.
L’intuition
L’intuition est rarement trompeuse : on peut lui faire
confiance. Si un prénom et/ou un nom vous viennent tout de suite en tête, c’est
souvent bon signe!
Le hasard
Pourquoi ne pas ouvrir le dictionnaire des noms propres et
tirer au hasard un prénom et/ou un nom ? Vous pourriez aussi demander à un ami
de vous donner un prénom et un nom. Ou encore, prendre le premier nom que vous
entendez à la télévision ou à la radio. Ou écrire plusieurs noms et prénoms,
les mettre dans un chapeau et hop, laisser le hasard faire le travail. Cela
pourrait devenir de belles contraintes préalables à l’écriture.
Les origines
Est-ce que les origines de votre personnage sont importantes
? Est-il Anglais ? Breton ? Finlandais ? À quelle époque vit-il ? Ces réponses
vous aideront à fixer votre choix. Pierre Marmiesse tient compte de ces composantes
dans son livre L’initiation : il
nomme les amis de son personnage principal Joao et Xuxa parce qu’ils sont Brésiliens.
Dans Une famille et demie, Élyse
Poudrier attribue le nom Iana Lebel à son protagoniste pour marquer ses
origines à la fois égyptienne et québécoise. Si cette piste vous intéresse, je
vous invite à faire des recherches sur les prénoms et noms à la mode à tel
moment dans tel pays.
Pour aller un peu plus loin, je dirais aussi que les parents « imaginaires »
de votre personnage peuvent être importants dans le choix de son nom et de son
prénom. Vous pourriez par exemple lui attribuer un prénom tout à fait farfelu
parce que ses parents sont des originaux. C’est le cas notamment du personnage
dans Histoire de Pi qui se nomme
Piscine Molitor parce qu’un bon ami de son père adore la piscine du même nom à
Paris.
L’identification au personnage
Vous pourriez choisir de nommer votre être de papier avec un
prénom à l’image de votre public cible. Si j’écrivais un roman pour
adolescentes, je m’inspirerais des prénoms des enfants d’une amie : Shania
et Sandrine. J’irais avec Alexis ou Vincent pour un enfant du primaire. Allez à
la bibliothèque dans la section des livres pour enfants et écoutez les parents
parler à leurs enfants. Vous aurez plusieurs idées de prénoms. Plusieurs sites
internet peuvent vous venir en aide pour connaître les prénoms fréquemment
donnés.
La sonorité
Vous pouvez utiliser un mot dont la sonorité représente bien
votre personnage afin de le personnifier. Je suppose que c’est ce qu’a fait
Louise Champagne en surnommant son personnage Elizabeth Babin, Zaza, une jeune
fille qui prédit l’avenir dans une boule de cristal. J’aime beaucoup le surnom
donné par Dominique Jolin à son personnage dans La véritable histoire de Destructotor, personnage qui détruit tout
ce qui trouve sur son passage. Amusez-vous avec les sons, avec les mots.
La racine grecque ou latine
Pourquoi ne pas faire une recherche dans les dictionnaires
grecs et latins afin de trouver le nom parfait pour votre personnage ? En
portant un prénom comme Sophie, qui provient du mot grec Sofia signifiant
« sagesse », les Sophie de la littérature pour la jeunesse pointent
de réelles contradictions entre un tel prénom et des actes pas sages du tout.
Notons particulièrement les personnages appelés Nemo qui, en
latin, signifient « personne ». Le nom du petit poisson esseulé qui
recherche désespérément sa famille est porteur de sens. Il en est de même pour
le protagoniste de Vingt mille lieux sous
les mers de Jules Vernes qui, rejetant la société, se retrouve seul à
sillonner les fonds marins.
Je vous invite aussi à consulter des dictionnaires de mythologie
grecque et romaine pour trouver l’inspiration.
Les références bibliques
Et pourquoi ne pas s’amuser avec les prénoms bibliques afin
de personnifier votre héros ? La série David de François Gravel chez Dominique
et compagnie est un bon exemple. Pour tous
les titres de la série (David et
le fantôme, David et les monstres de
la forêt, David et le précipice, David et la maison de la sorcière, David et
l’orage, David et les crabes noirs,
David et le salon funéraire, David et
Léa) la conjonction de coordination
« et » relie le nom du personnage à l’objet d’une peur précise. Le
lien avec le personnage biblique du même nom qui a su vaincre le géant Goliath
en l’assommant avec sa fronde est donc révélé, selon mon analyse du moins. Je ne sais pas si l’auteur a pensé et
réfléchi cet élément, cela pourrait tout aussi bien être intuitif. Mais
contrairement à l’audace du mythique personnage, chaque récit de Gravel met en
lumière la démesure de la peur du jeune garçon. L’auteur associe son anti-héros
lâche et timoré à l’image d’un héros fort et courageux.
L’aspect physique
Il est également possible de mettre l’accent sur un élément
physique de votre personnage avec son nom. Avec Fifi Brindacier, la traduction
française fait référence à la couleur de sa chevelure et à celle de l’acier, et
les nattes qui tiennent raides de chaque côté de la tête comme maintenues par
un fil d’acier. Lili Chartrand, de son côté, nomme son vampire Rouge-Babine
parce qu’elle a les lèvres rouge vif. Il peut donc être intéressant de jouer la
carte de la création et inventer un nom à l’image de notre personnage.
Le symbole
Vous pouvez aussi évoquer un symbole à travers le prénom de
votre personnage. On peut relier Avril, le prénom du personnage principal dans
la Fille de la forêt de Charlotte
Gingras, au mois de l’année où l’hiver laisse place au printemps : la
quête du personnage est associée à la nature et à l’importance de
l’environnement. Cela dit, je ne sais pas, encore une fois, si cet élément est
voulu de la part de l’auteur, peut-être est-ce un élément intuitif. Il pourrait
par ailleurs être intéressant de chercher dans les adjectifs des prénoms comme
Tempérance, Constance, etc.
Joséphine dans Les
quatre filles du docteur March se fait constamment surnommer Jo, référence
à un prénom masculin. En effet, lorsque l’on fait l’analyse de ce personnage,
on constate à quel point elle tend vers la place du père laissée vide par le
sien parti à la guerre. Elle possède plusieurs qualités et adopte plusieurs
attitudes qui la situent du côté de la représentation du garçon. De leur côté,
Laurence Aurélie et Danielle Marcotte utilisent le prénom de Pica pour
personnifier un personnage qui n’a pas de sexe. Au lecteur de choisir s’il
s’agit d’une fille ou d’un garçon !
Absence de prénom et de nom
Vous pourriez aussi décider de ne pas attribuer de prénom et
de nom à votre personnage, et cela pourrait aussi être porteur de sens. Il faut
alors s’assurer que l’univers dans lequel vous le projetez est cohérent avec ce
choix. Je pense entre autres au chat qui n’a pas de nom dans le dessin animé Le chat du rabbin, tiré de la bande
dessinée du même nom.
Enfin, chaque auteur a sa manière de faire qui peut même
évoluer selon les livres. À vous de
faire des tests, de vous donner de nouvelles contraintes d’écriture !
Amusez-vous !
Bonne écriture !
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